Marincazaou-Le Jardin Marin
colloque /
Les écrivains minimalistes
retour accueil
marincazaou - le jardin marin

littera,ae


accueil | actu | littera,ae | littér@ture | regArts | figures de l'art | phrase du jour | la librairie | une ferme en Chalosse | web pratique | ce site


DU LUNDI 21 JUILLET (19 H) AU JEUDI 31 JUILLET (14 H) 2003

Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle

www.ccic-cerisy.asso.fr


DIRECTION : Marc DAMBRE, Gilles ERNST

Avec la participation de Patrick DEVILLE et Jean ECHENOZ



ARGUMENT :

Eric Chevillard, Patrick Deville, Jean Echenoz, Jean-Philippe Toussaint, mais aussi Emmanuèle Bernheim, Christian Gailly, Eric Laurent, Hélène Lenoir, tels sont quelques-uns des écrivains dont l'œuvre est au centre de cette décade.
Leur succès auprès du public va croissant. Il est donc temps de s'interroger sur l'originalité d'un courant qui, venant après le Nouveau Roman, a réinventé la fiction et présente un nouveau type de personnage. Ce sont ces deux points qui seront essentiellement abordés soit pour un auteur, soit sur l'ensemble du mouvement.
Mais on traitera aussi d'autres sujets tout aussi importants : les filiations reconnues ou moins connues ; l'influence de la peinture ; la nouvelle narrativité ; les lieux du récit (architecture, décor urbain) ; la place insistante des objets du monde moderne ; l'humour et/ou l'ironie (la parodie, également) ; le discours — tout autre — sur l'érotisme et, plus généralement, sur l'amour ; la représentation de la modernité ; le rapport avec le public (analyse de la réception). Le tout débouchant, nécessairement, sur la question des rapports du minimalisme avec le monde actuel...



COMMUNICATIONS :

Marie-Odile ANDRÉ : Récit contrarié, récit parodique : quelques remarques sur la figure auctoriale dans les textes d'Eric Chevillard
Wolfgang ASHOLT : Modernité au post avant-gardisme: l'œuvre de Jean Echenoz
Mathilde BARRABAND: La minutie de François Bon. Une tentative d'épuisement de l'espace urbain contemporain
Aline BERGÉ-JOONEKINDT : Minimalisme et métaphore: du paysage chez Jean Echenoz
Olivier BESSARD-BANQUY : Le rapport amoureux chez les jeunes auteurs de Minuit
Stéphane BIKIALO : Hélène Lenoir : un minimalisme orchestré
Bruno BLANCKEMAN : Faire l'amour à la Toussaint (sur quelques postures minimalistes du récit)
Philippe CLAUDEL : Faire (et défaire) l'amour: une géographie de l'Eros dépité
Anne COUSSEAU : Le jeu autobiographique dans Le Hérisson d'Eric Chevillard
Marc DAMBRE : Emmanuèle Bernheim : un autre minimalisme
Isabelle DANGY : Suspension, détachement, apesanteur dans les romans d'Echenoz
Laurent DEMOULIN : La fougère dans le frigo. L'humour chez Jean-Philippe Toussaint
Sophie DERAMOND : Espace et architecture chez Jean Echenoz
Gilles ERNST : Le personnage de Patrick Deville
Johan FAERBER : Nous trois : le Baroque, le Nouveau Roman et Jean Echenoz ou la généalogie d'une dialectique
Patricia FRECH : L’Humour dans l’œuvre de Jean-Philippe Toussaint
Sabine HILLEN : Améliorer l'ordinaire: l'homme sans qualités de Jean-Philippe Toussaint
Jean-Louis HIPPOLYTE : L'anti-biographe, ou les absences de Chevillard
Pierre HYPPOLITE : Hyper-réalisme et fictions minimalistes
Christine JERUSALEM : Identification d'une femme : portraits féminins dans l'œuvre de Jean Echenoz
Van KELLY : La puissance éthique et esthétique du bricolage et de la récup': les minimalismes de Jean Echenoz et d'Agnès Varda
Ulrich LANGER : Esthétique de la gêne (Toussaint, Oster, Gailly)
Pascal MOUGIN : Humour et ironie chez Jean Echenoz, Jean-Philippe Toussaint et Christian Oster: la littérarité à l'épreuve du contemporain
Aline MURA-BRUNEL : "Retour en grâce" de la fiction : Un soir au club de Christian Gailly, Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint
Jacques POIRIER : De la littérature et autres bagatelles : sur Eric Chevillard
Gianfranco RUBINO : Jean-Philippe Toussaint: une narrativité paradoxale
David RUFFEL : Le roman-personnage selon Eric Chevillard
Lionel RUFFEL : Minimalisme et maximalisme: deux pesées d'une "fin de partie"
Mirjam TAUTZ : Jean Echenoz en Allemagne: édition et réception



RÉSUMÉS :

Marie-Odile ANDRÉ : Récit contrarié, récit parodique : quelques remarques sur la figure auctoriale dans les textes d'Eric Chevillard
S'appuyant sur les ouvrages les plus récents d'Eric Chevillard, la communication s'attachera à cerner le figure auctoriale dessinée par ces textes et la façon dont ils posent la question de l'auteur. Cette figure auctoriale y est, en effet, présente de façon paradoxale puisque les dispositifs textuels qui semblent viser sans cesse sa déconstruction et sa dissolution posent, en même temps, de façon insistante, la question de "qui écrit ici ?". Confrontant son lecteur à l'instance d'énonciation problématique d'un récit contrarié voire "absenté" et à la prolifération parasite de discours intrusifs — disgressions, commentaires, vraies/fausses citations — , les textes d'Eric Chevillard interrogent ainsi d'un même mouvement la possibilité de désigner une instance auctoriale et la possibilité de s'en passer.

Mathilde BARRABAND : La minutie de François Bon. Une tentative d'épuisement de l'espace urbain contemporain
François Bon a parfois été rattaché à la constellation mal délimitée des écrivains minimalistes. Nous nous proposons de revenir sur les motivations de ce rapprochement et ainsi de réinterroger la notion même de minimalisme. Cette enquête s’appuiera sur une étude de la représentation de l’espace urbain chez cet auteur. Elle s’attachera à mettre en lumière la spécificité d’une entreprise de description minutieuse des paysages quotidiens.

Aline BERGÉ-JOONEKINDT : Minimalisme et métaphore : du paysage chez Echenoz
Tentée par l'économie et la littéralité de la notation descriptive, par la shématisation des formes, par une posture anti-lyrique ou anti-expressionniste, l'écriture des paysages échenoziens passe aussi par un usage foisonnant de la métaphore et de la comparaison qui l'éloigne d'une esthétique "minimaliste", à laquelle on a parfois attaché les récits de cet auteur Minuit (F. Schoots). On interrogera les effets de cette tension de l'écriture entre deux voies qui ne vise pas seulement à conjuguer le sauvage et l'artifice, à (re)naturaliser les lieux d'une "civilisation de l'urbain" ou à "artialiser" ce qu'il peut rester en eux d'élémentaire. On envisagera ainsi ce que les paysages tiennent en réserve sur un mode ironique et critique, compte tenu de la place dans l'économie des récits, pour éclairer en retour l'apport de ce monde romanesque à une esthétique contemporaine des paysages et la pertinence relative de la notion de minimalisme appliquée à cette écriture.

Olivier BESSARD-BANQUY : Le rapport amoureux chez les jeunes auteurs de Minuit
Le rapport au corps et l'analyse des sentiments amoureux font l'objet d'un traitement pour le moins discret dans les œuvres des jeunes auteurs de Minuit. Pour autant, le sexe, les affects, la passion ne sont pas absents, loin s'en faut, des œuvres en question. Comment donc le sentiment se manifeste-t-il ici ? Que veut dire cette sorte de "litote de l'intimité" ? Quelle image du rapport amoureux les œuvres d'Echenoz, Toussaint, Chevillard et les autres renvoient-elles ? C'est à toutes ces questions que cet exposé se propose de répondre.

Stéphane BIKIALO : Hélène Lenoir : un minimalisme orchestré
L'écriture d'Hélène Lenoir (La Brisure,1994; Bourrasque, 1995; Elle va partir, 1996; Son nom d'avant, 1998; Le Magot de Momm, 2001; Le Répit, 2003) présente certains traits caractéristiques des écrivains contemporains qualifiés de "minimalistes" (neutralité du regard narratif allant jusqu'à une forme d'impassibilité, ténuité de la diégèse et attention au détail, à l'infime/intime, fréquence de l'ironie voire du cynisme). Toutefois, comme l'indique D. Viart (Le Roman français au XXème siècle, Hachette, 1999), "le minimalisme n'est là que de surface". Par l'analyse des stéréotypes et des clichés, des relations entre voix narrative et paroles rapportées des personnages, et de la mise en scène de l'infime, on cherchera à montrer, d'une part, comment se crée cet "effet de minimalisme", et, d'autre part, comment celui-ci paraît "orchestré", imposant une migration du sens sans doute propre à l'écriture minimaliste.

Bruno BLANCKEMAN : Faire l'amour à la Toussaint (sur quelques postures minimalistes du récit)
On se propose d'interroger la notion de minimalisme en étudiant le dernier ouvrage en date de Jean-Philippe Toussaint, Faire l'amour (Minuit, septembre 2002). Selon quels critères, en faisant jouer quelles unités de mesure ce roman peut-il être tenu pour minimaliste ? Le traitement à l'économie d'une thématique elle-même élémentaire constitue un premier élément de réponse, tout comme l'art d'un récit qui s'attache à la figuration romanesque et à la composition narrative en refusant les contraintes de la figure et celles de la structure.
Tout aussi bien ce travail implique-t-il des procédures de langue ostentatoires. Le rapport à la langue écrite, à la syntaxe, à la matière phrastique est tout sauf minimaliste - de même celui induit au sens possible de l'histoire racontée et à sa symbolique, dont le récit se plaît à multiplier les lignes d'acception. La fiction minimaliste des auteurs Minuit des années 1980 se distinguerait ainsi du style minimalpropre à certaines écritures blanches. À la différence de ces dernières, le parti-pris minimaliste vise moins à déconcerter le littéraire pour exprimer un réel en souffrance qu'à en contester les figures pour ne retenir, de la réalité éprouvée, que "l'infime significatif".

Philippe CLAUDEL : Faire (et défaire) l'amour : une géographie de l'Eros dépité
Le dernier roman de Jean-Philippe Toussaint paraît lier tentative — et tentation — de faire l'amour une dernière fois et appropriation d'un espace nouveau, espace tout à la fois étrange et étranger. Le parcours du narrateur oscille alors entre corps charnel et corps terrestre, le second se faisant le miroir métaphorique du premier, devenant même son prolongement, comblant des attentes qu'il n'a pas ou plus satisfaites. Ainsi s'élabore au fil des pages une géographie de l'éros dépité, une érotique de la terre parcourue.

Isabelle DANGY : Suspension, détachement, apesanteur dans les romans d'Echenoz
La dimension verticale structure l'espace échenozien autour des deux motifs antithétiques et complémentaires de l'essor et de la chute : l'aspiration ascensionnelle s'y exprime avec une récurrence étonnante, cependant que le vertige et la fascination des gouffres lui répondent tant au travers des situations narratives que des vignettes descriptives. La somme de ces deux vecteurs romanesques pourrait consister en un état de flottement, d'apesanteur, fugitivement rencontré par les personnages comme le fantôme du bonheur, et redoublé dans l'écriture par l'exercice méthodique du détachement. C'est cette constellation thématique qu'il s'agira d'explorer, afin d'en dégager, dans l'ensemble de l'œuvre, les enjeux masqués.

Laurent DEMOULIN : La fougère dans le frigo. L'humour chez Jean-Philippe Toussaint
Humour et minimalisme entretiennent une relation privilégiée. D’une part, le minimalisme trouve dans l’humour une de ses justifications. D’autre part, un certain humour se nourrit des décalages et des ruptures de ton propres au minimalisme. Nous analyserons l’emploi de l’humour chez un auteur particulier, Jean-Philippe Toussaint, afin de montrer la finesse et la diversité des ressorts humoristiques dans ses récits (ironie tournée contre les personnages ou contre le récit lui-même, comique de situation, propos absurdes, mauvaise foi…) mais aussi d’observer, à travers ce prisme, l’évolution de l’œuvre : certains romans sont plus comiques que d’autres et l’humour, discret dans La Salle de bain,se fait plus direct dans La Télévision.
Bibliographie de Laurent Demoulin à propos des écrivains minimalistes :
" Pour un roman sans manifeste ", Écritures n°1, Université de Liège/Les Éperonniers, octobre 1991.
" L’Angoisse minimaliste ", Indications, Numéro spécial 50e anniversaire, mars 1993.
" Mourir à son postmoderne ", Écritures n°5, Université de Liège/Les Éperonniers, automne 1993.
" Génération innommable ", Textyles n°14, Textyles-éditions, 1997.
" Le Rossel de La Télévision ", Le Carnet et les Instants n°101, janvier/mars 1998.
" Toussaint à cœur ouvert ", Le Carnet et les Instants n°124, septembre/octobre 2002.
Sophie DERAMOND: Espace et architecture chez Jean Echenoz
Le minimalisme, éclairé par ses expérimentations dans les arts visuels, révèle une dimension spatiale fondamentale qui nous permet de postuler que ses manifestations littéraires cherchent, entre autres particularités, à placer l'homme dans l'espace épuré d'une lecture visuelle. Dans la lignée du Nouveau Roman, Jean Echenoz produit un regard neuf où l'apparente objectivité dissimule mal une poétique de la mobilité et de l'absence de lieux "traditionnels" au profit de l'émergence de "non-lieux" ou zones franches d'une réalité rêvée, que nous tâcherons de définir comme visions des nouveaux espaces de notre modernité.

Johan FAERBER : Nous trois :le Baroque, le Nouveau Roman et Jean Echenoz ou la généalogie d'une dialectique
“Ils reprendraient tout à zéro.”. A l’instar de ces cosmonautes qu’il met en scène obligés, dans le malaise de leur équipée, à repartir de rien, Nous trois de Jean Echenoz apparaît, en effet, dans le corpus de son auteur comme l’œuvre de la re-fondation, par où achevant un cycle de ré-écritures successives l’ayant mené du Méridien de Greenwich jusqu’à Lac, la dite œuvre entreprend, suite à un tremblement de terre qui secoue conjointement la côte d’azur, la mimésis et l’écriture, de reposer les termes de sa filiation. Ce récit de la scission permet de saisir, dans ce moment de basculement et de charnière internes, l’inscription dialectique et généalogique d’Echenoz par rapport au Nouveau Roman qu‘il admire non sans réticences. Il va alors puiser dans ce rapport oxymorique la dynamique même de son interprétation de l’héritage néo-romanesque dont il va accentuer — ou estomper — le socle baroque. En posant que le Nouveau Roman, dans un geste redoublé et miroitant, est lui-même une ré-interprétation du Baroque, il s’agira de voir en quoi ici les traits distinctifs de ce dernier se redessinent dans le tissu echenozien. N’y a-t-il pas paradoxe voire aporie à dégager chez un des représentants du minimalisme l’héritage du Baroque considéré, quant à lui, comme l’esthétique même du maximalisme ? Oscillant dans un mouvement de spirale entre laconisme et hypertrophie, Nous trois de Jean Echenoz propose ainsi une nouvelle figure du Baroque, celle de la litote.

Patricia FRECH : L’Humour dans l’œuvre de Jean-Philippe Toussaint
Pour parler de l’humour toussaintien il me semble paradoxalement indispensable de mettre en question le sujet même : y a-t-il de l’humour dans l’œuvre de Jean-Philippe Toussaint ? Sa présence n’est du moins pas évidente pour tout le monde. Les protagonistes oscillent d’un critique à l’autre entre " clown " et " philosophe silencieux ", ce qui dénonce avec force la difficulté à caractériser le ton d’une œuvre profondément dynamique. On se voit confronté à une énorme quantité de trop courts commentaires qui présentent des avis très divergents entre eux. Comment est-il possible que certains critiques distinguent une intention sérieuse là où d’autres voient une implication humoristique ? Ceux qui ont reconnu l’existence d’un humour ont évité jusqu’à présent de le discuter — et pour cause : on ne peut ni résoudre la question en une phrase, ni même lui apporter de réponse définitive. Je vous invite à discuter l’humour dans l’œuvre de Jean-Philippe Toussaint. Suivons ensemble la trace secrète et mystérieuse du "vagabond humour " ...

Sabine HILLEN : Améliorer l'ordinaire : l'homme sans qualités de Jean-Philippe Toussaint
L'accès qui devrait nous conduire à une perception "minimaliste" du quotidien est l'analyse du personnage qui figure entre autres dans l'œuvre de jeunesse de Toussaint et qui inspire le titre de son second roman, Monsieur (1986). Bien que le minimalisme soit, selon certains, le produit d'une des dernières avant-gardes du siècle jouissant, il semble que ce personnage entre dans un nombre de situations précises qui remontent au début du XXe comme La soirée de Monsieur Teste (1896) de Valéry, Les dimanches de Jean Dézert (1914) de Jean de La Ville de Mirmont ; parmi les textes plus récents, on pense à Valentin Brû (1952) de Queneau, à Plume de Michaux ou encore à Quelqu'un de Robert Pinget. Quels sont les points communs de ces personnages à première vue 'enfantins' qui dérobent aux particularités marquées ?

Jean-Louis HIPPOLYTE : L'anti-biographe, ou les absences de Chevillard
Autant l'autobiographie semble aujourd'hui n'avoir plus de secrets pour personne — ses recettes sont éprouvées, et chacun, de la starlette à l'auteur d'avant-garde, semble s'y complaire dans un même sentiment d'autosatisfaction béat —, autant les méditations anti-bibliographiques que nous propose Eric Chevillard posent le jalon d'un genre plus récalcitrant au sens. Deux paradigmes s'affrontent dans les textes d'Eric Chevillard. Le premier, hérité du modernisme, et mis en cause par Chevillard, appartient aux utopistes réducteurs, aux experts incontestés de la question du Moi. Le deuxième, plus distinctif du postmodernisme et caractéristique d'une tendance ludique très présente aux Editions de Minuit, met en scène la métamorphose des discours et le métissage des identités.

Pierre HYPPOLITE : Hyper-réalisme et fictions minimalistes
Notre propos est d'interroger "la fiction minimaliste" à partir de l'analogie esthétique sur laquelle cette appellation est fondée. Le minimalisme littéraire se définit entre autres par l'hyper-précision indiciaire de la représentation du banal, la réduplication exacerbée de la réalité contemporaine, favorisant le brouillage entre le réel et sa représentation. Or l'hyperréalisme, mouvement pictural des années soixante-dix, peut nous aider à mesurer les enjeux d'une telle écriture et nous permettre d'aborder l'étude du processus de référence en termes linguistiques et esthétiques. L'hyper-minutie descriptive ouvre la fiction sur un espace autre, dont la logique ne relève plus de l'anti- ou de l'autoreprésentation, un espace aux vertiges et aux étrangetés quasi hallucinatoires, entre parodie et simulation. Les récits de Échenoz, Toussaint, Oster, Laurrent... nous semblent relever de ce type d'écriture dont la dynamique narrative introduit le lecteur dans "une espèce d'espace" que nous qualifierons, faute de mieux , d'hyper-réelle.

Christine JERUSALEM : Identification d'une femme: portraits féminins dans l'œuvre de Jean Echenoz
La communication se propose d’étudier l’évolution et le rôle de la présence de la femme dans l’œuvre de Jean Echenoz. Elle analysera les liens entre égotisme et érotisme, figure prédatrice et figure donatrice, marginalité et norme, blonde et brune, sublime et prosaïsme, vitesse et lenteur… L’étude reposera sur trois axes qui tenteront d’établir des liens avec d’autres auteurs " minimalistes ".
-La " femme parfaite " (liens avec Michel Deville). Un corps désincarné et sublimé : l’écriture du mythe (cinématographique, culturel).
-"Une femme de ménage" (liens avec Christian Oster). Un corps et des postures érotiques carnavalisées : l’écriture du trivial (incongruités, décalages, ironie).
-"Ne pas toucher " (liens avec Eric Laurrent). Les stratégies d’évitement dans la rencontre avec la femme : l’écriture du minimalisme (ellipses, distanciation).


Van KELLY : La puissance éthique et esthétique du bricolage et de la récup': les minimalismes de Jean Echenoz et d'Agnès Varda
Certains personnages d'Echenoz (Gloire dans Les grandes blondes,Victoire dans Un an) et de Varda (les êtres marginalisés mais bricoleurs dans Les glaneurs et la glaneuse, Mona dans Sans toit ni loi) vivent dans un monde réduit à des contours élémentaires où le lien entre les choses et leur contexte est fragilisé. Déboussolés, ces personnages essaient d'improviser un nouvel équilibre personnel et social, et pour ce faire ils emploient le bricolage et la recup', franchissant souvent le seuil entre la fiction purement utilitaire des objets et leur fonction symbolique. Les minimalismes d'Echenoz et de Varda reflètent le besoin postmoderne de gérer notre insertion dans la vie sociale à l'aide de l'art, de l'imagination et des métaphores, tout en tâchant de maîtriser un environnement souvent émietté et érodé. En filigrane, Echenoz et Varda critiquent un monde organisé sans recours à l'intégrité de la métaphore, du jeu et de l'échange symbolique.

Ulrich LANGER : Esthétique de la gêne (Jean-Philippe Toussaint, Christian Oster, Christian Gailly)
À partir d'une étude de différentes scènes dans plusieurs romans de Toussaint, Oster, et Gailly (notamment, La Salle de bain, La réticence, Loin d'Odile, Dans le train, Un soir au club), nous esquisserons les conséquences esthétiques de la gêne, de l'embarras, pour le récit dit "minimaliste". La représentation de la gêne côtoie une certaine (et paradoxale) pudeur de la représentation, dans un rapport dont les racines se retrouvent dans l'esthétique classique, sans en être une simple reprise.

Pascal MOUGIN : Humour et ironie chez Jean Echenoz, Jean-Philippe Toussaint et Christian Oster : la littérarité à l'épreuve du contemporain
Le traitement burlesque ou ironique des realia modernes chez les écrivains dits "minimalistes" ne renvoie-t-il pas à une conception classique de la littérarité, selon laquelle la littérature aurait besoin de signes spécifiques (que ceux-ci relèvent du sérieux, de l'intemporel ou au moins de l'inactuel), de telle sorte que le roman ne peut accueillir le contingent, le contemporain, le trivial matériel et marchand qui signe son époque que sur le mode du renversement par la dérision et de la péjoration implicite? Face à une certaine difficulté à naturaliser les objets de la modernité dans le roman, l'humour serait une manière commode de sauvegarder, en creux, un certain académisme.

Aline MURA-BRUNEL : "Retour en grâce" de la fiction : Un soir au club de Christian Gailly, Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint
Depuis 1980, la littérature serait entrée dans une logique du retour — du sujet, de la fiction, du romanesque — renonçant aux ruptures radicales et aux tentations iconoclastes de la génération antérieure. Or, ce schéma du retour n'a rien de régressif et l'histoire ne bégaie pas. Si les romanciers "impassibles" et les partisans résolus du minimalisme (tels que Jean-Philippe Toussaint, Christian Oster et Christian Gailly) privilégient à nouveau la fiction (comme "mentir-vrai", détour et invention), ils en ont renouvelé les formes et n'ont pas entièrement évincé le "soupçon" qui l'avait ébranlée. Ainsi, lorsque les écrivains de l'extrême modernité renouent avec une histoire construite et des personnages étoffés, ils ne reproduisent pas pour autant le modèle balzacien du roman. Ils ne visent plus notamment l'ajustement exact du passé et du présent des constructions analeptiques : les béances subsistent et le roman se compose et se recompose par delà ou avec ses incohérences et ses déficiences. Résister au dispositif narratif convenu qui suppose la complétude, c'est conserver dans les pratiques et les choix d'écriture les traces d'une esthétique minimaliste.

Jacques POIRIER : De la littérature et autres bagatelles : sur Eric Chevillard
On peut assigner comme tâche à la littérature de célébrer l'harmonie de l'homme et du monde ou, au contraire, d'en déplorer la séparation. Cette dissociation, l'œuvre d'Eric Chevillard en prend acte, mais sur le mode de la jubilation : le récit s'atomise en une série d'épisodes juxtaposés, le langage s'adonne à la métaphore burlesque, et les penseurs tragiques, comme Pascal, deviennent autant d'auteurs comiques. Le sens devient donc hors d'atteinte, mais il n'y a rien là de désespérant, puisque s'offre à l'écriture la voie étroite du saugrenu.

Gianfranco RUBINO : Jean-Philippe Toussaint : une narrativité paradoxale
Il est intéressant d’explorer les stratégies discursives et diégétiques à travers lesquelles Toussaint semble raréfier ou même annuler toute intrigue sans sacrifier pour autant une sorte de tension narrative, sinon de suspense. Ce dernier effet se manifeste notamment dans La réticence.Ce traitement de la narration et de la description met en question la notion d’événement, la logique des liens conséquentiels, la hiérarchie du notable et de l’insignifiant. Ce n’est pas seulement un jeu métalittéraire d’utilisation et de transgression des codes romanesques ; ce qu’on entrevoit par moments entre les lignes du texte, c’est ce qui échappe à tout récit et à tout langage : une silencieuse nudité de l’être.

David RUFFEL : Le roman-personnage selon Eric Chevillard
Objets théorico-esthétiques, " foirades " sophistiquées, les romans de Chevillard s’emploient à saborder l’ordre du récit et la rationalité représentative. Mais si, d’un côté, l’attaque en règle des codes et des poncifs romanesques vise l’élaboration d’un nouveau régime d’écriture fictionnelle, de l’autre, l’humour et l’auto-parodie font de la littérature un tigre en papier. Le projet de Chevillard associe à cette scène un certain nombre de figures : fous du langage, idiots sublimes et rêveurs ridicules, monomaniaques masochistes et ironiques, qui incarnent ainsi le jeu d’esquive, de délire et d’agression du roman. Il s’agit par là de proposer un nouveau partage des places respectives du texte et du personnage, de brouiller leurs distinctions, à l’image de ce " roman célibataire " que Chevillard invente après Duchamp, comme forme subversive et dérisoirement absolue.

Lionel RUFFEL : Minimalisme et maximalisme : deux pesées d'une "fin de partie"
Il n’est pas impossible d’aborder la littérature en la quantifiant. Le mot minimalisme le dit peut-être. Il n’est pleinement compréhensible que si l’on conçoit aussi un maximalisme littéraire dont les œuvres de Novarina, Prigent, Rolin, Fleischer ou Volodine pourraient être les modèles. C’est leur "pesée" d’un phénomène tout à la fois esthétique, historique et politique qui les différencie le plus sûrement. Ce phénomène, appelons-le la fin. Évidemment, il sera question de celle supposée des idéologies et de l’Histoire. Mais à la réflexion, la seule fin incontestable est celle du vingtième siècle. Minimalisme et maximalisme entretiennent une relation singulière à l’eschatologie. Comparées, ces relations offrent une vision intéressante de cette "fin de partie" littéraire et historique. L’objectif est donc double : mesurer ce que chacune de ces " pesées " révèle de l’autre et ce que leur confrontation nous fait comprendre de l’époque.

Mirjam TAUTZ : Jean Echenoz en Allemagne : édition et réception
La communication propose une analyse de quelques aspects caractéristiques de la réception de l’œuvre romanesque de Jean Echenoz en Allemagne, en passant par le parcours et le péritexte éditoriaux, les traductions, les critiques journalistiques et universitaires. Nous nous intéressons en particulier à certaines difficultés liées au transfert de l’univers romanesque d’Echenoz en Allemagne, ainsi qu’aux points de divergence entre l’Allemagne et la France en ce qui concerne la réception critique : de l’importance d’une affiliation au Nouveau Roman (correspondant à la dernière période ayant pu éveiller un intérêt plus large en Allemagne) à la recherche d’une dimension de sens, voire de conscience sociale et politique par les critiques allemands.
haut de page