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Jean-Claude Pirotte / Ajoie |
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Jean-Claude Pirotte : Ajoie
"Les saints les plus passionnants sont ceux dont l’existence n’est attestée que par la tradition populaire. C’est le cas de saint Fromont, dont on célèbre le culte – non reconnu par l’Église mais constant depuis des siècles – sur le plateau de l’Ajoie, un terroir du Jura suisse entre Boncourt et Porrentruy, demeuré à l’écart et toujours attaché aux anciennes croyances.
J’ai voulu connaître le paysage où s’est déroulée, au temps du colombanisme, la vie rêvée de saint Fromont. Nous avons séjourné là, ma compagne et moi, sous l’invocation du saint, pendant des mois. Il en est résulté cet hommage aux coteaux forestiers, aux friches et aux miracles, alors que le mont terri, à l’est, borne de sa masse mouvante l’enclave de l’Ajoie. Ce livre est aussi un hommage à Pierre-Olivier Walzer, l’auteur admirable et ludique des Saints du Jura. Peut-être ai-je réussi à redonner vie à Fromont, ermite du désert, qui m’a secrètement invité à le redécouvrir, dans un mélange de foi et de paganisme."
Jean-Claude Pirotte.
Note de lecture : Le pays de l'Ajoie / n'est pas un jeu de mots. Jean-Claude Pirotte avertit le lecteur, et en profite pour éclairer sa lanterne quant à la situation particulière de ce haut lieu du Jura, qui s'y entend en matière d'ermites. Sous la bénédiction de saint Fromond et à l'ombre du mont Terrible, l'auteur nous invite à partager une longue méditation, comme une arrière-saison qui n'en finit pas de finir. Le temps s'étire lentement dans un été de la Saint-Martin, où les derniers soleils campent au cœur du paysage immobile. L'Histoire a ses raisons que le poète reprend à son compte pour capter les échos d'un monde perdu. La sagesse dont il fait preuve donne le ton à ces poèmes traversés par une mélancolie à la fois profonde et sereine. En Ajoie, le grand vent ce poète sublime / sème les rimes sous ses pas, dans lesquels Jean-Claude Pirotte met les siens. Le vers se fait plus léger, épouse les courbes du plateau d'Ajoie, et rime avec une lumière paisible et familière. La vie et la mort n'ont que l'importance qu'on leur donne. Ainsi, je n'ai plus de raison d'avoir peur / de mourir, du reste / à quoi sert-il de redouter la paix quand on connaît la guerre, écrit l'auteur, depuis son ermitage jurassien. Et d'affirmer, un peu plus loin, que malgré tout, le paysage ici me garde en vie. Jean-Claude Pirotte n'entend pas se dérober devant les contradictions de l'existence. C'est à la première personne qu'il s'adresse, malgré le vent les averses / et les détresses éparses, à cet apaisement fragile du sommeil, où il demeure presque sans souci du meilleur ou du pire. Dans le silence d'un arrière-été qui dore sans fin les flancs du mont Terrible, le poète sait plus que jamais que le monde est changeant et la vie indécise. Son testament tient en deux vers, dictés sans doute par l'âpreté bienveillante du lieu : ma vie est dans le livre / que je n'écrirai pas. Bref, une fois n'est pas coutume, de la grande poésie, en lien étroit avec l'éternité du paysage, laquelle témoigne à elle seule de l'essentiel quand l'Ajoie retrouve la paix / immense comme un ciel où / les nuages figurent les monts. Extrait :
Revue de presse : ![]() Les voix de l'Alma du 06/03/2012 - Radio CFM Nord Midi-Pyrénées Animé par : Les libraires de l'association "L'ALMA". Site Web : www.librairiesmontauban.fr "A 12 ans, il jurait d'écrire chaque jour de sa vie un poème, et il l'a fait. Mais il a aussi écrit des dizaines de romans et peint des centaines de peintures. A 72 ans, Jean-Claude Pirotte a une longue carrière tout entière consacrée à l'écriture et la peinture. Il est un poète, un vagabond des mots, un éternel errant. Depuis deux ans, c'est sa santé qui fugue. Il énumère tous les organes qu'on a déjà dû lui enlever ou qui le font souffrir [...]" "La maison se trouve en face du poste de douane. Encore loin des premières habitations du village. Pas de barrière, pas de douaniers. Juste un drapeau suisse délavé marque la frontière. Il y a un peu plus d'un an que Jean-Claude Pirotte et sa compagne, la romancière et traductrice Sylvie Doizelet, sont installés ici, à Beurnevésin, dans le canton du Jura. Installés ? Ils y campent plutôt. Dans les pièces s'entassent les cartons. En 2009, il leur a fallu quitter Arbois, où ils avaient fait souche. "C'était devenu trop cher", soupire Jean-Claude Pirotte. Entre-temps, ils ont loué "une soupente" sur la côte belge. "Presque toutes nos affaires sont restées dans le Jura." Et il y a eu la maladie. Une saleté de cancer enfoncé bien profond, des tumeurs aux mâchoires, quelque chose au poumon. Il chasse un nuage. Lisse sa barbe. Passe une paume rapide sur ses yeux et vous sourit doucement. "J'avais perdu toute énergie, explique-t-il. Les médecins m'ont fait prendre des cachets contre la dépression. Je suis parvenu au bout de mon roman. Il me reste la poésie."[...]" mise en ligne : 03/03/12
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