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Jean-Claude Pirotte / Cette âme perdue |
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"Cette suite de poèmes dont le titre est évidemment un hommage à Valery Larbaud s’apparente, comme de plus en plus souvent dans mon travail, au journal intime – encore que disposé, conçu pour la publication. Le carnet intitulé Cette âme perdue a été ouvert le 20 février 2010 près de la mer du Nord, et ses dernières pages datent de fin avril 2010, alors que je retrouvais la parole après une assez courte mais douloureuse hospitalisation. Ces poèmes assez brefs, dénués de toute ambition novatrice, écrits au jour le jour, témoignent de ce que, dans Alma perdida, Valery Larbaud évoque : “poésie de choses banales … / Hauts et bas du temps et du tempérament”."
Jean-Claude Pirotte.
Note de lecture : Des rivages de la mer du Nord, Jean-Claude Pirotte nous adresse une suite de poèmes teintés de mélancolie. L'atmosphère du recueil est résolument crépusculaire et le vent, qui danse avec la pluie sur les toits gris, rythme cette complainte de la première à la dernière page. Les accents verlainiens font écho au secret des lectures intimes, tandis que la fureur du monde est soigneusement maintenue à distance par le bonheur des jours de pluie. Les oiseaux de mer relient l'âme perdue au ciel muet et vide de toute consolation. Même si c'est chaque jour la fin du monde, la vie se raconte en quatrains rimés ou en strophes de vers libres, comme un défi lancé au temps qui passe. Car c'est avec sérénité que Jean-Claude Pirotte regarde le soir tomber sur la grève, où la mort s'approche à petits pas. La fidèle musique de la poésie est toujours là, n'en déplaise aux échéances d'un avenir compromis : en vérité je me résigne / à vivre aveugle au cœur des signes. Les fantômes bienveillants ne sont jamais bien loin, lisant par-dessus l'épaule de celui qui ose écrire : un jour je m'endormirai / moi qui ne m'endors jamais. Ils ont pour nom Armen Lubin, Pierre Emmanuel, ou Pierre Morhange, et leurs propres mots résonnent comme un soleil couchant, à l'heure des confessions. Cette âme perdue, c'est celle de toutes et tous, quand la vie oblige à chercher une enfance à la fois proche et lointaine, enfuie et retrouvée par la grâce de la poésie. De l'intime à l'universel, il n'y a qu'un pas. Peut-être celui de Jean-Claude Pirotte sur le rivage de la mer du Nord, à l'heure du crépuscule, dans les laisses de mer / où se déhanchent les nuages ? Extrait :
Revue de presse : "La maison se trouve en face du poste de douane. Encore loin des premières habitations du village. Pas de barrière, pas de douaniers. Juste un drapeau suisse délavé marque la frontière. Il y a un peu plus d'un an que Jean-Claude Pirotte et sa compagne, la romancière et traductrice Sylvie Doizelet, sont installés ici, à Beurnevésin, dans le canton du Jura. Installés ? Ils y campent plutôt. Dans les pièces s'entassent les cartons. En 2009, il leur a fallu quitter Arbois, où ils avaient fait souche. "C'était devenu trop cher", soupire Jean-Claude Pirotte. Entre-temps, ils ont loué "une soupente" sur la côte belge. "Presque toutes nos affaires sont restées dans le Jura." Et il y a eu la maladie. Une saleté de cancer enfoncé bien profond, des tumeurs aux mâchoires, quelque chose au poumon. Il chasse un nuage. Lisse sa barbe. Passe une paume rapide sur ses yeux et vous sourit doucement. "J'avais perdu toute énergie, explique-t-il. Les médecins m'ont fait prendre des cachets contre la dépression. Je suis parvenu au bout de mon roman. Il me reste la poésie."[...]" mise en ligne : 27/07/11
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