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Jean-Claude Pirotte / Les contes bleus du Vin, suivi de Un rêve en Lotharingie |
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Jean-Claude Pirotte : Les contes bleus du Vin,
chroniques, suivies de Un rêve en Lotharingie et d'un inédit, D'une France à l'autre. Avec une préface de Gérard Oberlé : "Un étonnant flâneur". "La littérature de dure pas. C'est triste à dire quand on est écrivain; un stock de cognac est plus sûr."
Jacques Chardonne
"Les recueil de Jean-Claude Pirotte sont des invitations à la flânerie, car Pirotte est un poète flâneur si l'on veut bien me passer une expression qui me semble moins rebattue que la griffe écrivain voyageur. Parfait flâneur don, ou pèlerin selon la définition du pèlerinage donnée par André Dhôtel, un écrivain que Jean-Claude Pirotte vénère : "un voyage où l'on ne se propose pas de but, mais une absence de but. Le pèlerin se rend dans un lieu avec la conviction qu'un tel lieu est en dehors de tous les lieux et de tous les buts." Un rêve en Lotharingie et Les contes bleus du Vin sont les carnets d’un observateur passionné, une poésie de journal intime, les éphémérides d’un cœur pérégrin qui aime à s’égarer sur des territoires en retrait des sentiers achalandés, vers des coins secrets non référencés par les of?ces de tourisme : "Les pays les plus mal aimés sont les plus chers à mon âme." Signe distinctif de toute grande poésie, il existe un "univers Pirotte", tout un monde de diversités inattendues, majestueuses drèves et secrètes tortilles, solennités héroïques et veines populaires, alluvions mythiques... une constante vigilance de l’esprit et du cœur, un univers où les frontières entre le réel et l’imaginaire, entre le rêve et la vie, s’estompent et disparaissent. [...]"
(Gérard Oberlé, extrait de la préface "Un étonnant flâneur") Extrait : Abîmes Je vous parle des Abîmes de Nyans. Dante, sans doute, a rêvé ce paysage, dans l’automne tourmenté. Sur les parois la neige déjà s’accroche. De la montagne effondrée semble jaillir un grand vent qui grince et tourbillonne. Les Abymes exigent de l’homme un langage plus âpre, une pensée plus rugueuse. On dirait que la mort veille entre les pans d’immenses roches éboulées. On dirait que la mort veille sur le plateau déprimé que les ceps racornis, privés de leur dernière lueur rousse, habitent obstinément dans l’effroi du prochain hiver. Je vous parle des Abymes. Je vous parle d’un enfer sans flammes, un enfer glacé, que l’homme maigre et sec arrache d’âge en âge à sa nature d’enfer. Je vous parle avec pompe des Abymes. Car ce terroir balance entre l’emphase et le silence, entre la rigueur et l’échevèlement. C’est ici la porte de l’exil, l’est d’Éden, mais le souvenir tenace de l’éden, on croirait en effet que ce souvenir seul, inspire à la sève les cycles de son élan. L’altesse et le chasselas, le jacquère et la mondeuse blanche, la petite-sainte-Marie et le gringet défient la montagne. Et l’on raconte que l’altesse fut rapportée de Chypre par un Croisé, qui la planta dans le sol le plus rude et le plus aride, au cœur du chaos, à la grâce de ce dieu dont il portait la croix. Et l’altesse donna le vin blanc le plus vif et le plus fruité, pour faire la nique au diable qui secouait la montagne. Depuis ce temps, la roussette de Savoie fait danser les filles qui se moquent du diable, et c’est, dit-on, les soirs de bal et de tempête, que le diable impuissant pleure et mendie un verre de vin frais des Abymes. Revue de presse : mise en ligne : 27/07/11
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