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Revue d'Etudes Esthétiques


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Figures de l'Art n° 13 :
"Espaces transfigurés. A partir de l'oeuvre de Georges Rousse."

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4e DE COUVERTURE



FIGURES DE L'ART 13 : ESPACES TRANSFIGURÉS.
A PARTIR DE L'ŒUVRE DE GEORGES ROUSSE
Parution : juin 2007.
ESPACES TRANSFIGURÉS
A PARTIR DE L'ŒUVRE DE GEORGES ROUSSE


Textes réunis par Christine Buignet et Dominique Clévenot

La notion d’espace transfiguré est abordée à partir de l’œuvre de Georges Rousse, puis confrontée à une réflexion théorique plus large ainsi qu’à d’autres œuvres et domaines artistiques.

Envisagée en regard du travail de Georges Rousse (une vingtaine d’œuvres reproduites ici, dont trois réalisées lors d’une résidence à l’Université Toulouse-le Mirail, point de départ de ce recueil), la notion d’espace transfiguré fait d’emblée référence à sa démarche : il intervient dans des lieux désaffectés qu’il transforme par un travail de peinture, parfois aussi de construction, afin d’en donner une image photographique singulière. Mais les interprétations possibles de cette notion dépassent la seule approche poïétique. Sont étudiés ici les thèmes de l’apparition, de l’advocation, de la virtualité, de la lumière, de la déconstruction, autant de phénomènes ou de procédures liés à la transfiguration des espaces dans son œuvre.

La question de la transfiguration s’avère toutefois assez délicate dans le contexte artistique contemporain. L’origine religieuse du terme renvoie à une certaine transcendance (voir les études consacrées à l’ornementation architecturale persane et au film Stalker de Tarkovski). Or depuis le ready made duchampien et les boîtes Brillo de Warhol, preuve a été faite que l’art savait s’écarter de toute sacralité, de toute référence à un au-delà. Ainsi pouvons-nous, à la suite d'Arthur Danto (La Transfiguration du banal), concevoir la transfiguration comme effet de la seule structure intentionnelle qui la fait advenir, transformant l'objet en œuvre. Elle est alors étudiée ici en termes philosophiques, esthétiques.

Ces cadres de réflexion posés, l’attention se focalise successivement sur plusieurs types de transfigurations d’espaces : des Nymphéas de Monet aux peaux architecturales de Max Charvolen ; des installations de plumes d’Isa Barbier aux scénographies lumineuses de James Turrell ; des anamorphoses de Felice Varini aux espaces à percevoir ou à expérimenter de Robert Irwin, de Shimon Attie, etc.

Enfin, est abordé le rôle du médium comme transfigurateur, des multiples transfigurations du réel par la photographie à celles induites par le numérique, des nouvelles technologies aux espaces utopiques de l’ère du virtuel.

Textes d’Isabelle Alzieu, Jean Arrouye, Charlotte Beaufort, Agnès Birebent, Christine Buignet, Francesca Caruana, Alain Chareyre-Méjan, Dominique Clévenot, Itzhak Goldberg, Carole Hoffmann, Julien Honnorat, Bernard Lafargue, Xavier Lambert, Philippe Ortel, Agnès Lontrade, Michel Métayer, Pascal Navarro, Anne Pichon, Philippe Piguet, Bertrand Rougé.









SOMMAIRE / TABLE OF CONTENTS



ESPACES TRANSFIGURÉS
A PARTIR DE L'ŒUVRE DE GEORGES ROUSSE
FIGURES DE L'ART 13


- AVANT-PROPOS

Dominique Clévenot et Christine Buignet
Georges Rousse - Œuvres : 1982-2003

- GEORGES ROUSSE

Pascal Navarro
Georges Rousse : une esthétique de l'apparition

Bertrand Rougé
Le visage du lieu et la voix du tableau : sur la transfiguration et l'advocation à travers l'exemple de Georges Rousse

Philippe Ortel
Virtualités de Georges Rousse

Christine Buignet
Traversées et vertiges : la lumière à l'œuvre dans le travail de Georges Rousse

Isabelle Alzieu
Georges Rousse : plasticité des espaces déconstruits

- TRANSFIGURATIONS

Dominique Clévenot
L'ornementation architecturale persane. Une esthétique de la transfiguration

Agnès Birebent
Mouiller l'image : Stalker, d'Andreï Tarkovski, une transfiguration par l'espace cinématographique

Bernard Lafargue
Transfiguration du banal ou transfiguration de l'existence? Du Warhol de Danto au Raphaël de Nietzsche, en passant par les translations de Kersalé et les mirages de Turrell

Alain Chareyre-Méjan
Transfiguration par l'existence

Agnès Lontrade
Attitude esthétique et transfiguration : les mises en espace du plaisir

- ESPACES

Philippe Piguet
Claude Monet : Les Nymphéas, une œuvre in situ

Jean Arrouye
Transfert et transfiguration dans l'œuvre de Max Charvolen

Anne Pichon
Des installations de plumes d'Isa Barbier aux entrelacs ornementaux : une géométrie de l'espace interdit

Charlotte Beaufort
Transfiguration de l'espace et éveil de la sensation

Itzhak Goldberg
Espaces transfigurés en lieux de mémoire (Shimon Attie, Christian Boltanski…)

Michel Métayer
Le blanc de l'Attouchement

- TRANSFIGURATION PAR LE MEDIUM

Francesca Caruana
La photographie, preuve de l'inexistence des choses

Julien Honnorat
De l'appareil photographique au bureau informatique : vers une autre phénoménologie de l'espace trans-figuré

Xavier Lambert
Espace réel, virtuel, fictionnel

Carole Hoffmann
Du virtuel au réel, l'espace utopique








AVANT-PROPOS



ESPACES TRANSFIGURÉS
FIGURES DE L'ART 13




Dominique Clévenot - Christine Buignet

Georges Rousse - Œuvres : 1982-2003

La notion d’“espace transfiguré” constitue le point d’ancrage de ce numéro de Figures de l’art. Nous l’aborderons tout d’abord à partir de l’œuvre de Georges Rousse, pour ensuite la confronter à une réflexion théorique plus large ainsi qu’à d’autres œuvres et domaines artistiques.

Envisagée en regard du travail de Georges Rousse, la notion d’“espace transfiguré” fait d’emblée référence au processus d’élaboration très particulier de ses œuvres ; mais les interprétations possibles de cette notion dépassent la seule approche poïétique. En effet, elle peut aussi être considérée dans ses dimensions thématique, poétique, esthétique, technologique, philosophique, voire politique. L’œuvre de Georges Rousse suscitant ces lectures diverses, nous avions choisi de l’inviter en résidence à l’Université Toulouse-le Mirail en 2003[1].

De son travail, et des réflexions qu’il a générées, sont nées diverses manifestations scientifiques et artistiques. Un colloque dont émanent la plupart des textes du présent ouvrage a permis d’envisager les différentes acceptions de la notion d’“espace transfiguré” vue par des universitaires d’arts plastiques, d’histoire de l’art, d’esthétique, de philosophie, de littérature, et même de mathématiques, mais aussi un critique d’art, un directeur des Beaux-Arts… Plusieurs expositions ont accompagné ce colloque : une exposition des œuvres de Georges Rousse[2], une exposition thématique (réunissant des photographies et des installations[3]), ainsi qu’une installation in situ d’Isa Barbier dans le parc de l’Université.

 

Georges Rousse intervient dans des lieux désaffectés ou inutilisés ; il les transforme par un travail de peinture, parfois aussi de construction, afin d’en donner une image photographique, œuvre finale qui perturbe le regard, fascine le spectateur. Jouant sur la perspective, l’anamorphose, il questionne la perception visuelle, et ouvre la voie à un nouvel imaginaire de l’espace. S’imprégnant de la spécificité de chacun des lieux qu’il choisit d’investir (particularités liées à son architecture, mais aussi à son histoire, à ses utilisations, à son univers symbolique…), il cherche à en traduire l’essence tant physique que spirituelle, partant, selon ses termes, d’une “réorganisation conceptuelle […] de l’espace par la pensée”.

Lors de son intervention à Toulouse il a réalisé trois œuvres en résonance avec l’explosion de l’usine chimique AZF du 21 septembre 2001. Deux d’entre elles présentent un cercle constitué d’une structure bâtie, aux verticales obliques, et opposent des zones blanches à des surfaces recouvertes de centaines de photographies, prises par des étudiants d’arts plastiques et arts appliqués de l’Université du Mirail sur le site dévasté d’un IUT de génie chimique proche de l’usine. La prise de vue basculée des deux photographies accentue l’effet de vertige, évocation de la violence de l’explosion, renforcée par la disposition centrifuge des bandes d’images (AZF I), mais peut-être aussi, par un effet de lévitation, invitation à dépasser cette violence-même (AZF II). C’est dans la pénombre du sous-sol d’un amphithéâtre de l’Université qu’il a choisi, pour la troisième, d’inscrire en grandes lettres phosphorescentes, peintes à même le sol, les murs, le plafond, et elles aussi basculées, le mot “PAIX”. Allusion à l’explosion d’AZF, allusion aussi à la guerre qui se déroulait alors en Irak. Mais cette invocation est encore la parole que l’artiste dési­rait faire rayonner, à partir de cet espace transfiguré, de ce lieu de mots et de réflexions qu’est l’Université.

 

Le terme même de “transfiguration” semble entraîner inexorablement le rappel de son origine religieuse, chrétienne plus précisément : la transformation spirituelle du Christ, dont le corps devenant lumineux révèle la divinité. Deux difficultés au moins s’offrent alors à nous. Ce qui se jouait à travers la figure, c’est à la fois une dissolution des limites et l’ouverture à un champ symbolique d’une autre nature ; mais comment déplacer cette notion, de la figure à l’espace, et de quels enjeux peut-elle alors se faire le vecteur éclatant ? Sacralisation, mais aussi transformation, dépassement, ces variations s’actualisent différemment au fil de l’histoire de l’art si l’on considère les représentations de l’espace : conquête géométrique de l’espace perspectiviste, déconstructions à travers des points de vue multiples du cubisme, espaces fluides, immatériels, mouvants, de l’ère du virtuel…

La seconde question est plus délicate encore : en fonction de son ori­gine, le terme de “transfiguration” peut s’appliquer assez logiquement à tout un pan de la peinture et de l’art en général tant qu’ils étaient au ser­vice de la religion, chargés de transmettre, de susciter une élévation spi­rituelle, de relier, précisément l’humain au divin. Mais qu’en est-il aujourd’hui, alors que l’art non seulement s’est affranchi de sa dépendance aux dogmes religieux, mais a aussi clairement fait la preuve du possible rejet de toute transcendance ?

Parallèlement aux œuvres qui s’ancrent dans la réalité de l’ici et maintenant – pratiques in situ, installations qui jouent bien davantage de la présentation que de la représentation, utilisation de médiums permettant la captation immédiate et directe comme la photographie ou la vidéo, nouvelles technologies ouvrant l’ère de l’interactivité… –, les réflexions des théoriciens de l’art contemporain tendent bien souvent à expliciter cette relation de l’art au monde environnant (on peut penser entre autres à l’“esthétique relationnelle” étudiée par Nicolas Bourriaud dans l’ouvrage éponyme de 1998, ou à l’“art contextuel” tel que l’a défini Paul Ardenne en 2002). Yves Michaud, dans La Crise de l’Art contemporain (1997), estime que la période actuelle a vu le désenchantement gagner le monde de l’art, et le “projet utopique de l’art critique [apparaître comme] définitivement idéaliste et condamné à la récupération en même temps qu’à l’impuissance”. Il déclare : “nous ne croyons plus aux miracles et aux transfigurations” et établit le constat d’un art désabusé, nous tiraillant entre la nostalgie et le cynisme. Mais entre sacralisation et conception de l’œuvre comme un quelconque produit médiatisé, d’autres voies semblent possibles. Si les catégories du Beau, du Sublime, et aussi du Nouveau ne sont plus de mise pour définir l’œuvre artistique, celle-ci n’en perd pas pour autant toute capacité à exposer un acte, un point de vue, une parole singulière. Dans La Transfiguration du banal (1981), Arthur Danto démontrait que, depuis le ready-made de Marcel Duchamp, on ne peut plus attribuer le statut d’œuvre d’art en fonction des qualités matérielles et perceptuelles de l’objet. Il proposait de prendre en compte la structure intentionnelle qui le détermine, geste fondateur de l’œuvre, qui “exté­riorise une manière de voir le monde”, en produisant une “transfiguration du banal”.

L’œuvre serait donc porteuse d’une relation pensive au monde, et aurait peut-être ainsi la capacité de modifier quelque peu notre approche de ce qui nous entoure. Georges Didi-Huberman avait montré comment le simple cube noir de Tony Smith (The Black Box, 1961) exerce son pouvoir de fascination en retournant sur nous le regard qu’on porte sur lui, en un espacement révélateur de questionnements ; comment les installations de lumière colorée de James Turrell, en transformant l’espace, font advenir le lieu d‘une expérience de désaisissement ; ou encore comment l’utilisation par Claudio Parmiggiani de la poussière, de la cendre et de la suie nous restitue la fragile et inquiétante présence d’un espace déstabilisé[4].

Dans la distanciation, aussi minime soit-elle, ou au contraire radicale, que l’œuvre crée avec le connu, elle peut donc ouvrir au spectateur l’espace d’une expérience, et une expérience nouvelle de l’espace. C’est ce qui transparaît, sous des formes très diverses, dans les textes de cet ouvrage, répartis en quatre entrées plus précisément consacrées à : I. Georges Rousse, II. Transfigurations, III. Espaces, et IV. Transfiguration par le médium.

 

I. Georges Rousse.

L’œuvre de Georges Rousse (dont le livret interne de reproductions présente une brève rétrospective ainsi que les trois photographies réalisées lors de sa résidence à l’Université de Toulouse-le Mirail, point de départ de ces réflexions) ouvre un champ d’étude privilégié pour aborder cette thématique. En effet la notion d’espace transfiguré peut s’entendre à différents niveaux dans sa démarche artistique : projection mentale d’une vision à partir de la perception d’un espace donné ; travail plastique sur l’espace réel ; image finale de l’espace transformé, à partir d’un point de vue unique. Plusieurs textes sont spécifiquement consacrés à son travail. Pascal Navarro y étudie le thème de l’apparition et de sa dimension fantasmagorique ; Bertrand Rougé, en décomposant les dispositifs qui donnent au lieu un visage et à l’image une voix, fait apparaître le processus d’advocation à l’œuvre dans ces photographies ; Philippe Ortel démontre comment le travail de Georges Rousse, en décloisonnant l’espace, en jouant sur toutes les variables possibles, y déploie des formes de transfi­guration tendues entre le trompe l’œil de la Renaissance et les possibilités actuelles du virtuel ; Christine Buignet analyse le rôle physique, plastique, philosophique de la lumière dans l’œuvre­ de l’artiste, qui semble mettre en abîme toutes ses potentialités ; et Isabelle Alzieu, à partir de la notion d’éclat, consacre son étude à la déconstruction (passant dans l’œuvre de Georges Rousse par l’expérience de la ruine, du séisme), comme outil et forme de la transfiguration de l’espace.

 

II. Transfigurations.

Abordée dans une seconde section sous un angle plus large, la question de la transfiguration s’avère toutefois assez délicate dans le contexte artistique contemporain. L’origine religieuse du terme (qui évoque inmanquablement la transfiguration du Christ sur le Mont Thabor, par l’apparition d’un éclat sur son visage, sur ses vétements devenus blancs, manière de figurer l’irreprésentable du divin, et la lumière spirituelle qu’il diffuse cependant) renvoie à une certaine transcendance. Deux études en témoignent, celle de l’ornementation architecturale persane menée par Dominique Clévenot qui montre comment ce travail des surfaces semble dissoudre la matérialité des édifices religieux, portant le regard à une contemplation libérée des contraintes physiques ; et celle du film Stalker de Tarkovski, où Agnès Birebent analyse comment l’espace cinématographique, notamment par une poétique de l’eau, opère la transfiguration proposée au spectateur.

Mais depuis le ready made duchampien et les boîtes Brillo de Warhol, preuve a été faite que l’art pouvait s’écarter de toute sacralité, de toute référence à un au-delà. Ainsi pouvons-nous, à la suite d’Arthur Danto (La Transfiguration du banal), concevoir la transfiguration comme effet – potentiellement libre de toute affection physique de l’objet sur lequel elle porte – de la seule structure intentionnelle qui la fait advenir, transformant l’objet en œuvre. C’est de ce constat que part Bernard Lafargue avant de développer, se référant à La Transfiguration de Raphaël, une conception plus nietzschéenne de la transfiguration, s’appuyant sur la mise en scène, chez différents artistes, d’une lumière d’apparence apollinienne et de source dionysiaque.

Deux autres textes abordent la question en termes philosophiques : Alain Chareyre-Mejan propose un dépassement de la notion de transfi­guration, exposant comment l’art nous confronte, par sa présence, à l’existence même des choses, son immanence provoquant plutôt un “ensorcellement” (ce qu’il explicite à travers des œuvres de Paul-Armand Gette, Nobuo Sekine, Nicola Deane). Et Agnès Lontrade analyse l’expérience esthétique comme transfiguration de l’existence, par les mises en espace du plaisir que permettent les œuvres artistiques.

 

III. Espaces.

Les différents cadres de réflexion posés, une focalisation s’opère ici, se concentrant successivement sur plusieurs types d’espaces transfigurés. Philippe Piguet présente les Nymphéas de Monet comme une aventure picturale osmotique, liée à l’invention d’un lieu : création d’abord du bassin, puis de l’atelier, la peinture devenant un espace témoignant de cette expérience in situ. Jean Arrouye s’intéresse aux peaux architecturales déployées dans l’espace par Max Charvolen et aux vertiges de l’imaginaire auxquels elles donnent lieu. Anne Pichon analyse, en une approche sensible puis à l’aide de concepts mathématiques du domaine de la topologie, les installations de plumes d’Isa Barbier. Charlotte Beaufort étudie, à travers les œuvres lumineuses de James Turrell, les anamorphoses de Felice Varini, les espaces presque insensiblement transformés par Robert Irwin, etc. le passage d’un art perceptuel à un art “experientiel”. Itzhak Goldberg oppose les espaces urbains transfigurés en lieux de mémoire par les projections de Shimon Attie aux espaces qui accueillent les installations de Christian Boltanski, mettant en scène le processus de l’oubli. Et, se penchant vers des surfaces de dimensions plus confidentielles, Michel Métayer analyse l’espace blanc de l’attouchement, sur les pages du livre, entre les poèmes de Marcel Thiry et les sonnets de Shakespeare.

 

IV. Transfiguration par le médium.

Enfin, est abordé le rôle du médium comme transfigurateur. Notons que ce nom a été donné aussi par Alphonse Giroux à son invention : le kaléidoscope, dispositif qui captive le spectateur tout autant par le spectacle qu’il propose de ses réflexions de petits fragments de verre coloré se déplaçant entre trois miroirs, que par sa capacité à produire sans fin de nouvelles combinatoires. Cette notion de démultiplication peut rappeler celle des images enregistrées techniquement, mais aussi, bien sûr, la dimension actuelle du virtuel. Ainsi, à partir des multiples transfigurations du réel par le médium photographique, Francesca Caruana soutient que la photographie ne peut faire la preuve que de l’inexistence des choses. Julien Honnorat analyse l’évolution de l’espace photographique – transfigurant son appareil – à la spatialité figurale du bureau informatique : ne s’agit-il que d’une esthétique fonctionnelle ou traduit-elle une inversion du territoire phénoménologique des images à l’époque de leur non-indicialité numérique ? Xavier Lambert met en relation espaces réel, virtuel et fictionnel, évoquant la question du modèle matriciel et l’art numérique, se référant à l’œuvre de Georges Rousse ainsi qu’à son travail artistique personnel. Carole Hoffmann aborde également les problématiques liées aux nouvelles technologies dans la création artistique, notamment les espaces utopiques de l’ère du virtuel, comme ceux de Jeffrey Shaw, ou l’architecture liquide de Marcos Novak.

 

Ainsi se retrouve, à partir d’une perception de l’espace et de l’exploration du vaste champ des possibles, la mise en œuvre d’une ou plusieurs virtualités, parfois assemblées, faisant advenir un espace transfiguré complexe. Dans la plupart des photographies de Georges Rousse, l’espace de l’œuvre donne déjà à percevoir la superposition de plusieurs types d’espaces, trans-figurés les uns par les autres.

C’est bien, semble t-il, à partir de la matérialité même de l’œuvre, et dans l’expérience physique, esthétique, immanente qu’elle nous procure, que se situe dans l’art aujourd’hui une possible trans-figuration dépassant la seule représentation.

 

NOTES

[1] Un ouvrage traitant plus particulièrement de cette résidence et des trois œuvres réalisées alors par Georges Rousse, avec l’aide d’étudiants en arts plastiques et arts appliqués de l’Université Toulouse-le Mirail, est en préparation aux éditions Muntaner.
[2] Cette exposition a eu lieu à l’Université Toulouse-le Mirail, co-organisée par le CERASA (Centre d’Études et de Recherches en Arts et Sciences de l’Art) et le CIAM (Centre d’Initiatives Artistiques du Mirail).
[3] Cette exposition, qui a eu lieu à la Fondation Caisse d’Épargne pour l’art contemporain à Toulouse, réunissait des photographies de Martine Aballéa, Jean-Marc Bustamante, Bernard Faucon, Georges Rousse, Thomas Ruff, Hiroshi Sugimoto et des installations d'Isa Barbier, Michel Caron et Alain Mahé, Francesca Caruana, Max Charvolen.
[4] Cf. Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, 1992 ; L'Homme qui marchait dans la couleur, 2001 ; et Génie du non-lieu, 2001 ; tous aux éditions de Minuit.








Figures de l'Art n° 13 - 28 euros

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Publié avec le concours du Centre National du Livre
ISBN 2-35311-003-7
ISSN 1265-0692







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