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Revue d'Etudes Esthétiques


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Figures de l'art n° 7 : "Artiste / Artisan"


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12/02/04 - Présentation à La Machine à Lire


4e DE COUVERTURE












SOMMAIRE / TABLE OF CONTENTS



AVANT-PROPOS

Bernard Lafargue : L'artiste en artisans En ligne

ARTISTE / ARTISAN : RESSEMBLANCES ET DIFFERENCES

Jean-Gérard Lapacherie (Université de Pau) : Artiste ou artisan?

Pierre Sauvanet (Université de Bordeaux III) : Des convergences et divergences entre artiste et artisan, et de quelques conséquences qui en découlent logiquement

Jean-Luc Guichet (Paris) : Les figures de l'artiste et de l'artisan dans l'Emile de Rousseau

Pierre Truchot : Durée artistique, temps artisanal

Michel Guérin (Université d'Aix en Provence): L'art somnambule et le roman comique des artistes

Dominique Chateau (Université de Paris I) : Portrait de l'artiste en artiste

Alain Chareyre-Méjan (Université d'Aix en Provence) : L'atelier du hasard (Portrait de l'artiste en augure)

Carole Talon-Hugon (Université de Nice) : Chef-d'œuvre et emblème

ARTISTE / ARTISAN : HISTOIRE D'UNE (DE)LIAISON DANGEREUSE

Anne Balansard (Université de Provence) : Peintre ou sophiste? Figure du peintre dans trois dialogues platoniciens : République, Sophiste et Cratyle

Laurence Aventin (Université de Florence) : Simple exécutant ou auteur intellectuel : le sculpteur italien peut-il être considéré au Moyen Âge comme le "concepteur" de son œuvre?

Pierre Garcia (Université de Bordeaux III) : Artistes, Artisans, les choses des formes et les formes des choses

Sylviane Leprun (Université de Bordeaux III) : Le design africain, un art de l'alliance

Éliane Chiron (Université de Paris I) : Bien fait, mal fait, pas fait

Mathieu Kessler (IUFM Orléans-Tours) : L'opposition "artiste, artisan" dans la perspective de la culture de masse

ARTISTE / ARTISAN : ARTISANS AUX XXe ET XXIe SIECLES

- L'artiste à l'ouvrage

Marc Jimenez (Université de Paris I) : Sur les sculptures en verre d'Etienne Leperlier

Valérie Arrault (Université de Montpellier) : Au-delà de la couture

Antoine Leperlier (Maître verrier, Conche) : Concepts et matériaux. Art Contemporain et survivance des hiérarchies entre les arts Site Web

Claire Lahuerta (Université de Paris I) : "Strange fruit (for David)" de Zoé Léonard. Petites activités machinales, pour en découdre avec l'Humain

Fabienne Denoual (Université de Paris I) : Le trompe-l'œil cosmétique et gastronomique de Natacha Lesueur

- L'artiste paysagiste

Jean Arrouye (Université d'Aix) et Reno Salvail (Land artiste, Quebec) : De l'artisan à l'artiste ou le passage du trivial au sublime

Céline Aubertin (Université de Paris I) : Marcher au seuil de l'être (Le jardin, fabrique du monde)

- L'artiste en s(t)imulateur

Céline Picart (Université de Bordeaux III) : Gaetano Pesce, designer-artisan?

Stéphane Sauzedde (Université de Paris I) : Philippe Ramette et Wim Delvoye, artistes-entrepreneurs

Natacha Pugnet (Université d'Aix) : Les métiers d'Hubert Duprat

Nicolas Thély (Université de Paris I) : Usages et usagers de la vidéo (Réflexion sur les arts et les médias : première partie)

Nicolas Thély (Université de Paris I) : La donne numérique (réflexion sur les arts et les médias: deuxième partie)

Amancio Tenaguillo y Cortázar (Université de Bordeaux III) : Ecrivain, artiste ou artisan? Du processus créateur au microprocesseur En ligne

Sylvie Coëllier (Université d'Aix-Marseille) : "La nature du gothique" contre la machine à merde. (Trois œuvres de Wim Delvoye)








RESUMES



RÉSUMÉS DES TEXTES FIGURES DE L'ART 7 : "ARTISTE / ARTISAN"



Bernard Lafargue : L'artiste en artisans En ligne

Jean-Gérard Lapacherie (Université de Pau) : Artiste ou artisan?

Dans les années 1920, le linguiste Ferdinand Brunot établit, dans son Histoire de la Langue Française, tome VI, Première partie, 2, l'histoire des deux mots artiste et artisan qui, du XVIe au XVIIIe siècle, ont été employés l'un pour l'autre. Il explique cette concurrence par la variété des significations du nom art et les tentatives faites pour les distinguer par la création au XVIIe siècle d'Académies (de peinture, de danse, de sculpture, d'architecture) où étaient enseignés des arts que l'on a nommés beaux-arts afin de ne plus les confondre avec des métiers moins prestigieux (horlogers, marbriers, etc.).
On peut objecter à cette hypothèse que la confusion entre artiste et artisan a perduré jusqu'à la fin du XVIIIe s et qu'il nous arrive d'hésiter aujourd'hui encore quand nous devons qualifier des typographes, des relieurs, des céramistes, des potiers, des joailliers, des tapissiers: artistes ou artisans? À mon sens, la véritable rupture se produit au XIXe siècle, quand le mot art se charge de nouvelles significations qui ne sont plus liées au "faire" et que, sous l'influence du mot allemand Kunst, il prend le sens de "savoir" ou "mode de révélation des secrets du monde" (fonction que la poésie a longtemps assumée). Dès lors, le statut de l'art et le rôle que les artistes s'attribuent non seulement font évoluer le sens des mots, mais expliquent aussi des évolutions étonnantes dans l'art aux XIXe et XXe siècles.

Pierre Sauvanet (Université de Bordeaux III) : Des convergences et divergences entre artiste et artisan, et de quelques conséquences qui en découlent logiquement

D'un point de vue philosophique, ce serait une erreur de méthode que de se représenter une histoire linéaire des rapports entre artiste et artisan, sur le modèle d'une indistinction ancienne tendant progressivement vers une distinction grandissante. Au travers des textes qui jalonnent l'histoire de la pensée de l'art en Occident (de Platon à Duchamp, en passant par Kant ou Alain), il apparaît au contraire que les convergences et les divergences entre artiste et artisan ne sont pas seulement affaire de contingences historiques, mais aussi et surtout d'enjeux conceptuels (en termes de finalité et de projet, notamment). Ainsi la République platonicienne distinguait déjà l'artiste de l'artisan (mais aux dépens du premier), tandis que leur rencontre peut encore avoir lieu aujourd'hui - mutatis mutandis…

Jean-Luc Guichet (Paris) : Les figures de l'artiste et de l'artisan dans l'Emile de Rousseau

La question initiale est celle du contraste dans l'Emile entre la figure franchement positive de l'artisan et celle assez négative de l'artiste. La réponse tient à ce que seul l'artisanat offre un moyen fiable de construction d'un homme en société tandis que l'art a le visage d'une aventure bien plus individuelle et incertaine, surtout dans une société corrompue. Mais dès lors que l'on quitte la perspective de l'éducateur d'Emile, l'artiste trouve un autre chemin, celui précisément qui ramène à la nature et à l'homme véritable et universel par-delà ses défigurations présentes. L'artiste apparaît alors comme un artisan supérieur, un éducateur de l'humanité, comme par exemple Rousseau lui-même écrivant.

Pierre Truchot : Durée artistique, temps artisanal

La double posture, celle d'abord de l'artiste contemporain qui cherche à s'affilier à la tradition du travail artisanal, ensuite celle de l'artisan qui se réclame de la création artistique ne pourrait bien n'être qu' une vue de l'esprit qui ne repose sur aucune fondement légitime. En effet, avec l'esthétique de Bergson, il est possible de mettre en valeur une ligne de partage entre l'artiste et l'artisan, de sorte que les valeurs artistiques ne possèdent aucune commune mesure avec les valeurs artisanales. Cette ligne de partage se joue sur le rapport qu'entretiennent artistes et artisans avec le temps, autant les premiers instaurent une relation-création avec la durée, autant les seconds se meuvent dans le temps spatialisé des horloges.

Michel Guérin (Université d'Aix en Provence): L'art somnambule et le roman comique des artistes

L'art ne se dissout peut-être pas, comme veut Hegel, à la fin d'un cycle de l'Esprit, mais à tout instant au cœur de lui-même. L'art n'est jamais dans l'art: somnambule, il dissimule à une de ses personnalités ce que fait et pense l'autre. Cela rend sans doute également impertinentes les définitions réelle ou strictement nominale d'une activité durablement problématique. Le profil quinconcial de l'art rend possible, mais pas facile, la vie d'artistes, dont le rôle comique se construit historiquement à la faveur d'une véritable duplicité transcendantale.

Dominique Chateau (Université de Paris I) : Portrait de l'artiste en artiste

L'auteur présente une version de la philosophie de l'art qui accorde à la notion d'artiste le privilège du concept crucial. Il examine deux objections à cet égard: celle de Pierre-Michel Menger, sociologue pour qui l'artiste actuel revêt les caractéristiques du professionnel contemporain; celle de Ghislain Mollet-Viéville, amateur d'art qui réalise des œuvres dont les artistes se contentent de fournir l'idée. L'examen de ces objections, loin de contredire le privilège de concept crucial conféré à la notion d'artiste, lui redonne de la vigueur.

Alain Chareyre-Méjan (Université d'Aix en Provence) : L'atelier du hasard (Portrait de l'artiste en augure)

Dans l'art, la valeur ne s'applique pas (techniquement) mais s'incarne (ontologiquement). Cela veut dire qu'avec lui ce qui est obtenu n'est pas en réalité produit mais doit être conceptualisé comme s'il était donné.
En dissolvant le vouloir dans l'acte et l'acte dans la chose, l'œuvre se rend semblable à ce qui arrive dans tout ce que touche le hasard. C'est en ce sens existentiel particulier que ce dernier peut constituer un modèle non causaliste pour la penser.

Carole Talon-Hugon (Université de Nice) : Chef-d'œuvre et emblème

Pourquoi ne peut-on parler de chef-d'œuvre en matière d'art contemporain? En s'en tenant au domaine des arts plastiques, on montre ici comment la notion conserve une pertinence tant que quelque chose d'artisanal demeure dans la pratique, comment le chef-d'oeuvre absolu auquel le romantisme aspire est un chef d'œuvre impossible et comment le chef-d'œuvre a, à l'époque contemporaine, laissé place à ce qu'on peut nommer l'emblème.

Anne Balansard (Université de Provence) : Peintre ou sophiste? Figure du peintre dans trois dialogues platoniciens : République, Sophiste et Cratyle

Si le grec dispose de noms spécifiques pour désigner le peintre, il n'en possède pas pour désigner l'artiste: le poète, le peintre et le potier sont des artisans (dèmiourgoi). Platon, dans ses dialogues, opère des distinctions: le peintre est un artisan, mais plus exactement un imitateur (mimètès). Au contraire de notre notion d'artiste, la notion d'imitateur est négative. L'imitation est travaillée par un défaut d'être: le peintre, ne produit qu'une image (eidôlon). Le peu de prix attaché à l'imitateur est l'exact corollaire du statut ontologique dégradé de l'image. L'intention platonicienne, cependant, n'est pas de décrier le peintre, mais le sophiste. Et si, dans les dialogues, le peintre sert de paradigme à la production des apparences, historiquement, le prestige des sophistes rejaillit sur les peintres qui adoptent leurs manières. De ce prestige, les dialogues portent la trace en creux. Je m'interrogerai donc sur les racines d'une analogie qui, dans les dialogues, unit le peintre, le sophiste et l'imitateur. L'analogie est-elle entièrement platonicienne? Ne s'inscrit-elle pas plutôt contre une thèse sophistique qui fait des mots (onomata) une imitation (mimèma) des choses, et ce, sur le modèle de la peinture? À cette imitation comme duplication des choses, Platon oppose l'imitation comme production d'images, - l'image signifiant et la chose et son absence.

Laurence Aventin (Université de Florence) : Simple exécutant ou auteur intellectuel : le sculpteur italien peut-il être considéré au Moyen Âge comme le "concepteur" de son œuvre?

Au cours des XIIe et XIIIe siècles, en Italie, les inscriptions-signatures, qui adoptent le ton de l'éloge, témoignent d'une nouvelle prise de conscience de la part des sculpteurs et de la place importante qu'ils occupent dans la société. À l'écoute de ce changement, Thomas d'Aquin contribue à revaloriser l'activité artistique en élevant l'artiste au rang des créateurs des biens intellectuels. Cette nouvelle prérogative accordée à l'artifex trouve un écho certain dans les magnifiques chaires à prêcher de Giovanni Pisano.

Pierre Garcia (Université de Bordeaux III) : Artistes, Artisans, les choses des formes et les formes des choses

Considérer l'opposition artiste/artisan du point de vue du métier des peintres ce n'est pas éprouver les antagonismes connus de l'intéressé et du désintéressé, du contraint et du libre… c'est découvrir une autre opposition: celle des choses des formes qui définit l'art et celle des formes des choses qui définit, elle, l'artisanat.
C'est suivre, aussi, une histoire que divisent quatre temps. Celui, avant la Renaissance, d'une unité qui ne sépare pas les formes des choses et les choses des formes, celui, de Renaissance au XVIIIe siècle, d'une distinction et d'un accord de ces deux choséités, celui aux XIXe siècle, de leur séparation, et enfin, aux XXe et XXIe siècles, celui d'une division des pratiques du beau entre un courant qui exaspère les choses des formes de l'art et un courant qui redécouvre les formes des choses de l'artisanat, et par là, le beau des choses.

Sylviane Leprun (Université de Bordeaux III) : Le design africain, un art de l'alliance

Animiste et communautaire, l'objet d'Afrique ne séparait jamais la vie ordinaire de son cadre symbolique. Incontestablement, le regard extérieur porté sur les cultures primitives a modifié la perception de ces pièces domestiques et magico-religieuses que réalisaient des artisans inspirés. Les artistes designers de la ville moderne ont produit de nouveaux objets désacralisés qui cherchent leur place dans la cité d'aujourd'hui. À la frontière de la tradition, de l'histoire coloniale et de la modernité contemporaine, le design des créateurs africains présente une vision critique et esthétique des sociétés urbaines.

Éliane Chiron (Université de Paris I) : Bien fait, mal fait, pas fait

Il sera question, une fois de plus, de Marcel Duchamp alias Rrose Sélavy. Faire, au sens de façonner ou feindre (facere, fingere), est abordé à partir du Narrateur (Benjamin), qui est là "en personne" avec toute sa vie. On verra, pas à pas, comment Duchamp façonne la matière des mots, tandis que sa main artisanale façonne d'autres matières. La mort réelle de l'artiste est la condition de la réactivation ininterrompue de l'art. L'artiste façonne le temps: à condition de feindre sa mort (à travers Rrose Sélavy) et qu'elle soit en même temps réelle. Marcel Duchamp façonne sa vie et feint sa (re)naissance avec son œuvre posthume Étant donné… Bien fait, mal fait, pas fait, peu importe: l'artiste "se refait", comme le joueur à la roulette.

Mathieu Kessler (IUFM Orléans-Tours) : L'opposition "artiste, artisan" dans la perspective de la culture de masse

L'opposition contradictoire de l'artiste et de l'artisan pourrait bien n'être qu'un moment de l'histoire de l'art et de l'esthétique. Ces deux notions, peu distinctes dans l'Antiquité, seraient alors réunies dans l'objectif de la lutte contre une dénaturation complète engendrée par la culture de masse.

Marc Jimenez (Université de Paris I) : Sur les sculptures en verre d'Etienne Leperlier

Que la séparation moyenâgeuse entre les arts libéraux et les arts mécaniques puisse survivre, sous des formes diverses, dans les institutions actuelles - Académie, écoles des beaux-arts, universités, etc. - est pour le moins un paradoxe. L'histoire de l'art, de la Renaissance à nos jours, n'aurait-elle pas démontré, œuvres à l'appui, l'inanité d'un tel clivage entre "art mineur" et "art majeur" et l'impossibilité de tracer une frontière nette entre l'art et l'artisanat?

Valérie Arrault (Université de Montpellier) : Au-delà de la couture

Par les pratiques assurément désuètes de l'artisanat, qu'empruntent les formes répulsives de certaines œuvres de Magdalena Abakanowicz et de Jana Sterbak, s'exprime obscurément l'inquiétude fondamentale de l'homme. Sans doute, mais encore davantage que cette dimension ontologique, ces procédés artisanaux, s'ils nous touchent si fortement, c'est qu'ils s'offrent comme un antidote possible à l'anxiété que ne manque de provoquer le déferlement triomphant du tout-technologique. À cet égard, Adorno nous l'avait déjà rappelé: à rebours de l'hédonisme de la beauté antique, "dans l'art moderne, l'aspect harmonieux du laid s'érige en protestation".

Antoine Leperlier (Maître verrier, Conche) : Concepts et matériaux. Art Contemporain et survivance des hiérarchies entre les arts

L'Art Contemporain, sous couvert de transcender le clivage traditionnel hérité de la Renaissance entre "arts majeurs" et "arts mineurs", réinstaure, en tant que genre institutionnel dominant, une dichotomie plus profonde entre un "art du concept" et un "art des matériaux" ou plus exactement entre ce qui est Art et ce qui n'est pas Art.
Le mode de production de l'Art Contemporain qui s'est établi sur la division des tâches entre concepteurs et réalisateurs, mime celui de la marchandise; contrôlé par l'institution culturelle qui se charge de sa "liberté d'expression"; il participe au renouvellement des modes de vie imposés par l'économie spectaculaire marchande.
Le travail artistique qui revendique quant à lui, une liberté de moyens, une autonomie et une approche sensible des matériaux, est exclu de l'Art au nom du dogme de son "Immaculée Conception". Ce dogme institué par la désublimation du geste de Duchamp, constitue le fondement d'une nouvelle hiérarchie entre les arts. En ligne (PDF)

Claire Lahuerta (Université de Paris I) : "Strange fruit (for David)" de Zoé Léonard. Petites activités machinales, pour en découdre avec l'Humain

Plus ou moins inspirés par les pratiques artisanales, les artistes s'inventent, au cours de la praxis, une chorégraphie singulière, comme une sémiotique ou une manière qui fait sens. Zoé Léonard, jeune artiste américaine, découvre au fil d'une activité machinale et lancinante menée de 1992 à 1997 - intitulée Strange fruit (for David) -, le travail du deuil dans l'exercice de la couture de peaux séchées de fruits. Quand le geste prend le temps d'un accompagnement, le lent labeur de suture, de moulage, d'ornementation, bref, de manipulation de dépouille, n'équivaut-il pas à l'élucidation du désœuvrement face à la mort?

Fabienne Denoual (Université de Paris I) : Le trompe-l'œil cosmétique et gastronomique de Natacha Lesueur

Si de nombreux artistes ont délaissé l'usage de la main, ou d'une technique dans leur pratique, il en est d'autres qui manifestent leur singularité en réinventant un usage pour les savoir-faire. Natacha Lesueur, jeune artiste française, s'appuie aussi bien sur un savoir-faire culinaire que cosmétique qu'elle n'hésite pas à tordre, à détourner de sa fonction habituelle. Véritable entreprise de détournement et de simulation, l'art chimériquement glamour de Natacha Lesueur ne piège-t-il pas le regard dans une réversibilité de la séduction et de l'horreur, de l'intérieur et de la surface? Ne nous confronte-t-il pas au fantasme insupportable de voir surgir notre mauvaise nature à la surface du corps?

Jean Arrouye (Université d'Aix) et Reno Salvail (Land artiste, Quebec) : De l'artisan à l'artiste ou le passage du trivial au sublime

En 1991 l'artiste québécois Reno Salvail intervient sur trois ilôts rocheux situés dans le Saint Laurent, couvrant l'un d'ocre rouge, plantant sur l'autre divers végétaux, construisant sur le troisième un bassin de rétention des eaux de marée haute. Ce faisant il les change en signal, jardin et piscine, et son travail s'apparente donc à celui d'un artisan. Cependant par d'autres aspects, esthétique et sémantique, symbolique et mémoriel, ces réalisations sont des œuvres d'art. De l'un à l'autre statut on passe du trivial au sublime.

Céline Aubertin (Université de Paris I) : Marcher au seuil de l'être (Le jardin, fabrique du monde)

À la question classique de savoir si le jardin peut être une œuvre d'art, on répondra qu'il n'est pas l'objet mais le lieu même d'une expérience esthétique originale, celle de la marche. Le jardin japonais en particulier est un lieu spécifique où nature et artifice se mêlent et s'entremêlent: la nature y est artificielle, et inversement l'artifice y est naturel, créant ainsi une nature inédite, originaire. Cadre du monde comme pur paraître, le jardin clôt l'espace pour ouvrir paradoxalement un horizon, en nous tenant sur son seuil - ce que des artistes comme De Maria, Smithson ou Gette, reprendront en intervenant dans la nature comme en un jardin.

Céline Picart (Université de Bordeaux III) : Gaetano Pesce, designer-artisan?

Gaetano Pesce, designer "hors-norme", revisite, avec ses séries différenciées, la conception de design d'objets. En revendiquant le droit au défaut et la participation active de l'ouvrier, il met en question la production industrielle comme matrice d'objets stéréotypés, reproductibles à l'infini. Au fil de ses expérimentations, il se tourne tout naturellement vers l'artisanat, où l'aléatoire permet la différenciation en série limitée et nous invite, tout comme Duchamp et Warhol, à reformuler la vieille question platonicienne des rapports hiérarchiques entre l'artiste et l'artisan.

Stéphane Sauzedde (Université de Paris I) : Philippe Ramette et Wim Delvoye, artistes-entrepreneurs

Philippe Ramette et Wim Delvoye sont deux artistes présentant comme œuvres des artefacts réalisés grâce à des techniques artisanales extrêmement maîtrisées. Cependant ils ne fabriquent rien eux-même: ils ont choisi de déléguer la réalisation à des artisans, et pour cela mettent en place des systèmes de production qui les éloignent considérablement de la posture traditionnelle de l'artiste-artisan. Quels sont les modèles théoriques sollicités par ces pratiques? Après avoir observé les façons de procéder de ces deux artistes, nous regarderons si ces modèles ne sont pas à rechercher du côté de l'économie plutôt que de celui des autres disciplines artistiques.

Natacha Pugnet (Université d'Aix) : Les métiers d'Hubert Duprat

L'importance quasi-maniaque accordée à la précision d'une exécution impliquant des savoir-faire artisanaux, l'usage de matériaux généralement employés pour la fabrication d'objets décoratifs et la délégation de la réalisation caractérisent l'œuvre d'Hubert Duprat. Celle-ci semble l'exploration même des frontières historiquement et culturellement établies entre l'Art et ses formes secondes, artisanales, populaires et décoratives.

Nicolas Thély (Université de Paris I) : Usages et usagers de la vidéo (Réflexion sur les arts et les médias : première partie)

Bien moins qu'un prétexte, la notion d'artiste et d'artisan est l'occasion de faire une mise au point sur la conduite d'une réflexion concernant les arts et les médias. En effet réfléchir sur "artistes-artisan" par le prisme de la vidéo est une affaire délicate pour le spécialiste de la vidéo. Cette question en pose une autre: qu'est-ce qu'un artiste qui utilisent la vidéo? qu'est-ce qu'un artiste aujourd'hui? on peut répondre d'un point de vue sociologique, étudier ce couple " artiste-artisan" qui élabore un nouveau rapport entre la conception et l'exécution au sein de la division du travail, mais d'un point de vue critique et esthétique la réponse est moins évidente. La présence de la technique nous conduit directement à faire l'hypothèse de l'artisan, de la transformation de l'état d'artiste. Dans le domaine de la vidéo, la présence de la technique témoigne d'un intérêt grandissant des artistes pour ce médium, d'un goût, d'une curiosité. Ce que propose ce texte, c'est moins l'analyse du travail de l'artiste confronté à la technique que celles des multiples appropriations du médium, ou comment la figure "artiste artisan" vole en éclats par un irréversible processus de démocratisation de la vidéo: quand les artistes ne sont plus que de simples usagers de la vidéo.

Nicolas Thély (Université de Paris I) : La donne numérique (réflexion sur les arts et les médias: deuxième partie)

Est-il possible de dresser le portrait de l'artiste en informaticien? Convient-il encore de conduire une réflexion sur les arts numériques, et de déterminer la pratique des artistes à partir des techniques qu'ils utilisent? Qui sont les plus aptes à répondre à ces questions? Les sociologues? Les esthéticiens? Les critiques d'art? Tous ces questionnements traversent ce texte qui se donne pour objectif de mettre en perspective les enjeux d'une réflexion sur les arts et les médias à travers la figure de l'artiste.

Amancio Tenaguillo y Cortázar (Université de Bordeaux III) : Ecrivain, artiste ou artisan? Du processus créateur au microprocesseur

Dans l'histoire de la littérature, deux thèses s'affrontent quant à la représentation de l'acte créateur: l'une, d'origine platonicienne, fait du poète un artiste inspiré; l'autre, d'origine aristotélicienne, le considère comme un artisan disposant d'une technique propre. En réalité, la production littéraire de la première moitié du XXe siècle prouve que la ligne de partage entre artisans de l'esprit et artistes bricoleurs est aujourd'hui incertaine.
Déjà, à la charnière des XVIe et XVIIe siècles, dans le Quichotte, Cervantès met en scène l'acte d'écrire comme travail d'artisan qui fait de l'auteur un écrivain déterminé par les structures socioéconomiques. La multiplication mécanique des écrits à partir du XVIIIe confirme la fracture, qui s'accentue au XIXe, entre l'écrivain artisan des lettres, socialement reconnu, et l'artiste incompris, enfermé dans sa tour d'ivoire.
Au XXe, alors même que la fétichisation du manuscrit tend à raviver la figure de l'écrivain artiste, l'introduction de la machine à écrire puis de l'ordinateur transforme les données du processus créateur.
Dans cette esthétique de la machine, où la notion même d'œuvre littéraire est remise en cause, l'auteur n'est plus que l'un des opérateurs du schéma processuel du texte. En ligne (PDF)

Sylvie Coëllier (Université d'Aix-Marseille) : "La nature du gothique" contre la machine à merde. (Trois œuvres de Wim Delvoye)

Cloaca New & Improved, la machine qui digère et qui chie de Wim Delvoye, exhibe une prise de contrôle par la machinerie post-industrielle des processus corporels qui métaphorisent la production, laquelle est envisagée ici en tant que chimie du corps fabriquant une œuvre, dont le travail viscéral serait tenant de son fondement artisanal. D'autres œuvres de Delvoye, et en particulier Caterpillar (pelleteuse "gothique") et Cement-Truck (un camion-toupie sculpté dans le teck) interrogent également les relations entre le travail des hommes et la machine, valorisant la part artisanale sans exclure la maîtrise mécanique. Mais au constat de leur analyse, il apparaît que depuis les Arts & Crafts et la défense par Ruskin de la cathédrale gothique comme modèle d'économie et d'art pour tous, les compromis entre pratique manuelle et machine se révèlent aussi antagonistes et inutiles qu'un ornement gothique sur une pelleteuse : de l'art (ou du kitsch)...











Figures de l'Art n° 7

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BU Sciences
Avenue de l'Université, 64000 Pau

Publié avec le concours du Centre National du Livre
ISBN 2-908930-87-0
ISSN 1265-0692







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